dimanche 9 décembre 2018

Italie: 28.12.2009 - 01.01.2010

Comme chaque année (ou presque) le dernier temps, une fois le Noël passé en famille, comme il se doit, nous avons pris la route pour un court voyage. Je dis court, car il dure seulement 5 jours, et puis c’est un voyage faisable en voiture, pas besoin d’avion, comme pour les USA, le Canada, ou, plus récemment, le Japon… Et d’hiver, car chaque fois nous sommes allés vers des pays supposés plus chauds que le nôtre, i.e. l’Auvergne. Cette fois nous avons choisi Italie, plus précisément, sur les traces des étrusques, inspirés par un beau documentaire à la télé…

Mais au moment de ce compte rendu je suis déjà depuis quelques jours à la maison et je regarde sur Internet notre trajet : avec flickr, wikipedia &co.  je trouve des milliers des photos d'endroits que nous avons visités. Quant aux descriptions et autres informations nécessaires, n’en parlons plus : en masse ! Est-ce que ça vaut la peine que j’ajoute encore les miennes ? Ben si, je pense ! Et pas autant pour mes amis, plus ou moins virtuels, mais surtout pour moi-même et pour préciser des choses qui me semblent trop vagues, comme d’habitude (moi et ma manie de donner un nom et une histoire à tout ce que je vois, comme si la forme par elle-même ne pouvait pas suffire !), surtout les photos sans commentaires sur flickr. 

Commençons donc avec le commencement, la route Clermont-Pise, que nous avons choisi intelligemment (à vrai dire le « nous » ici c’est un peu gonflé, car évidemment  moi je n’ai aucun mot à dire concernant le trajet) via Montpellier, Cannes, Nice, Menton, Gênes, en pensant aux intempéries (déjà que jusqu’au Lyon nous aurions eu un gros brouillard) mais aussi au prix, avec l’autoroute pas du tout gratuite, le passage par Fréjus &co. … C’est sûr, notre route était un peu plus longue, mais ce n’est pas sûr que ça s’est vu dans la durée du trajet : on me dit maintenant que, justement, au passage du tunnel de Fréjus, il y avait un gros bouchon ces jours-ci. Comme quoi…

 En tous cas, partis depuis 6.30 du matin, vers 14.30 nous étions déjà à Monaco, où nous nous sommes arrêtés un court moment pour un petit casse-croûte dans le vent et pour quelques photos en surplomb : j’ai avais depuis un autre voyage quelques-unes, mais pas avec le même appareil… Nous dépassons Menton et nous voilà déjà sur Via Aurelia, en traversant les tunnels et les ponts suspendus les uns après les autres et en admirant le paysage: la mer, les villages avec leurs maisons colorées aux toits en tuiles et leurs églises aux tours élancées, accrochées à la montagne, avec partout des serres (on se croirait en Espagne, sauf qu’ici ça a l’air moins agressif et moche que là-bas), des orangers, et des palmiers, juste pour bien comprendre que la route longe la Méditerranée. 

Voilà quelques photos faites à travers les vitres de la voiture, en guise de faible témoignage de la beauté du paysage.

Bon, le paysage était beau, sauf que la nuit tombait vite à cette époque dans cette contrée,  même plus vite que chez nous : à 16 heures il faisait presque noir ! En plus, une pluie battante nous a rejoint quelques part après Gênes, tel qu’à la sortie de l’autoroute à Pise, du à nos expériences précédentes en Italie,  nous n’étions même pas étonnés en voyant que nous sommes déviés vers… Florence !  Qu’à cela ne tient : avec le GPS (belle invention, quand même, quoique parfois trop encombrante ! Voir par exemple l’expérience de Porto, mais je vous assure que chaque fois c’est pareil : il y a toujours un moment où on le suit de trop près ce GPS, en ne faisant pas attention aux indications des panneaux routiers, lesquelles, pourtant, sont parfois plus sûres, car tout simplement plus récents. En plus, il faut aussi tenir compte du fait que le GPS utilise une base de données conçue par des humains et que l’erreur est humaine…) nous sommes finalement arrivés à notre hôtel quelque part dans la campagne toscane, entre Pise et San Giuliano Terme.  Plus précisément le «fameux» Airone Pisa Hotel réservé par INTERNET, où un gentil réceptionner nous a accompagnés jusqu’à notre chambre. Assez contents, nous avons tout de suite réservé encore une nuit pour le retour, plus précisément pour le surlendemain, en décidant sur-le-champ que les conditions météo (pluies et inondations probables, même catastrophiques, si on écoutait la télé, information reprise aussi par mes amis génoises, fortement alarmés) ne nous permettaient pas de faire un aller-retour dans la même journée à Tarquinia. Voilà donc l’endroit où nous avons dormis deux nuits: un  hôtel sans prétentions mais correct de point de vue rapport qualité-prix.
Le lendemain nous avons continué notre route sur Via Aurelia vers Tarquinia, un peu inquiets pour la suite des évènements quand même, surtout que nous avons déjà vécu une aventure similaire en Italie, en revenant de la Foire de Bologne, pendant des inondations catastrophiques ( 5 novembre 1994) et inoubliables, mais pas dans le meilleur des sens. 

Par exemple, je me souviendrais toujours de cette attente nocturne devant un pont, pendant que les carabinieri laissaient les voitures passer une à une, en étudiant attentivement le pont après chaque passage : il se casse ou il se casse pas… Ou de cette arrivée à un péage d’autoroute où heureusement que nous avons vu les cabines, car autrement nous n’aurions pas su si nous sommes encore sur la route ou déjà dans les champs ou pire… dans la rivière, avec notre voiture transformée en bateau ! Et tout ça en tournant en ronde des heures et des heures, en essayant toujours d’aller vers la France et en étant obligés de faire demi-tour, en suivant des pancartes de déviation vers nul part, sans que personne ne nous dise pourquoi et qu’est-ce que ce passe, seulement quelques fois, quand nous nous arrêtions devant des carabinieri qui nous expliquaient (en italien, s’il vous plait !) que la route est interdite, sans nous dire pour autant où aller! Si, un d’entre eux, à notre question « et le tunnel du Mont Blanc » ? nous a répondu que celui-ci était sous la neige… Je ne sais pas par quelle route nous sommes arrivés finalement à la frontière, vers le tunnel de Fréjus, en tout cas, c’était déjà 4 heures du matin, et non pas 20 heures du soir comme prévu ! Et dire que cette fois ci, aux informations, on nous disait qu’un barrage a lâché et que toute la région de Pise était sous l’eau ! De quoi nous rendre un peu nerveux, il faut reconnaître ! 

Ben, finalement, malgré une certaine pluie qui nous a accompagnés plus ou moins tout au long de la journée, nous n’avons pas aperçu les conséquences de la dite catastrophe. Nous sommes arrivés sans encombres à Tarquinia, en parcourant un paysage magnifique, typiquement toscan, tel qu’on le voit dans les peintures de la Renaissance et dans les films anglaises. En fait, je pourrais dire «typiquement étrusque» car depuis un bon moment nous étions déjà en plein dedans, id est en Étrurie, le territoire de la célèbre fédération de 12 villes étrusques qui ont lutté contre les Romains, correspondant approximativement aux limites de l’actuelle Toscane, même si Tarquinia, une des plus importantes d’entre elles, est en fait dans la région du Latium.

 Et même si la route ne ressemblait certainement plus à la mythique Via Aurelia ouverte vers La Gaule par les romains il y a plus de 2000 ans, pour moi c’était tout comme, car la Toscane est restée la même, ou presque, avec ses collines qui s’enroulent au bord de l'autoroute en nous accompagnant vers le sud… Ah, ces collines de Toscane, couvertes d’une herbe étonnamment verte pour l’époque, avec un maquis d’arbrisseaux et d’arbres aux sommets et les montagnes qui bordent l’horizon des villages colorés suspendus à leurs crêtes. Les petites rivières qui traversent les vallées, les oliviers, les palmiers.. mais pas trop d’orangers, juste assez pour nous rappeler que la Méditerranée n’est pas très loin, sur notre droite... 

 Enfin, après quelques 4 heures de route, dans un paysage devenu un peu plus plat et gorgé d’eau, nous voyons s’élever devant nos yeux les murs moyenâgeux et les tours de Tarquinia. Juste avant d’y entrer j’aperçois une enseigne d’hôtel sur ma droite et nous nous arrêtons vite pour y réserver une chambre, car c’est toujours un peu stressant de voyager comme ça  dans un pays étranger, sans savoir où dormir. D’autant plus en hiver, avec le froid, la pluie, la nuit qui tombe assez vite, même si nous pensons qu’Italie, comme grand pays touristique, à une base hôtelière assez conséquente…

Surtout que notre voyage était plus ou moins improvisé, sans aucune organisation préalable  ou presque, car quand même, j’ai regardé un peu sur Internet avant de partir, pour trouver les endroits étrusques qu’il fallait visiter dans un si court laps de temps et pour un premier contact avec cette civilisation. Et c'est comme ça que nous avons choisi Tarquinia, comme en étant à la fois le lieu le plus proche et le plus significatif, avec le plus grand nombre d’informations.

  Mais avec les fêtes de fin d’année, on ne sait jamais et le fait que sur Via Aurelia, entre Gênes et Pise, nous n’ayons pas aperçu aucune enseigne hôtelière, ne faisait qu’augmenter notre inquiétude…

 Heureusement nous sommes tombés sur un très bon hôtel et  à un prix assez modeste, c'est pour ça que je me fais un devoir de vous donner son adresse, d’autant plus qu’il n’est pas ni dans Via Michelin, ni dans Venere ou booking. Mais je dois dire que plus tard nous avons vu pas mal d’hôtels à Tarquinia, pas la peine de s’agiter : on n’est plus au temps de George Dennis, quand il n’y avait apparemment aucun hôtel et on était obligé de se loger chez les habitants ! Quoique, j’aurais adoré connaître moi aussi une famille Morano locale, pardi ! C’est pour ça d’ailleurs que, plus tard dans la journée,  j’ai essayé d’aborder la fille qui nous a servi une glace un peu plus tard, mais, manque de pot (ou heureusement ? ), elle s’avérait à être Roumaine ! 

Une fois la chambre réservée,  nous avons pu démarrer notre journée touristique en toute tranquillité, en commençant par la Nécropole qui ferme l’hiver à 14 heures, donc pas de temps à perdre. En toute tranquillité, c’est une façon de dire vu le début assez difficile, car, sans trop d’indications sur notre chemin et sur notre GPS et sans carte, la dit Nécropole était introuvable: il m’a fallu faire appel à plusieurs citoyens, dont deux gentils carabinieri, pour la trouver, ce qui pour un monument inscrit dans le Patrimoine Mondiale d’UNESCO, c’est assez… anormal, je trouve … 

 Nous y voilà quand même devant ses portes, après moult hésitations et égarements et obligés de laisser la voiture au bord de la route (pas de places de parking, autre anormalité de mon point de vue), mais la nécropole par elle-même ne nous a pas déçus, au contraire : malgré la pluie nous avons parcouru toutes les allées et nous avons visité toutes les tombes, en étant littéralementé fascinés par notre visite! 

 Là, même si je n’ai pas l’intention de réécrire ici l’histoire des étrusques et de la ville de Tarquinia, car Internet regorge d’informations pour qui veut savoir, il faut que je fasse une petite parenthèse pour vous dire au moins le pourquoi de ce voyage.

 Pour commencer, il faut dire qu'en ce qui me concerne,  la civilisation étrusque m’a toujours paru fascinante. J’ai acheté le beau livre de George Dennis en Roumanie en 1982 et depuis j’ai la même admiration et incompréhension comme tous ceux qui l’ont décrit: une civilisation contemporaine aux civilisations grecque et romane, donc assez récente, comparables avec les plus grandes civilisations et qui, au contraire d’autres civilisations plus anciennes qui possédaient une écriture, n’a pas laissé une histoire écrite. A disparu tout simplement de l’histoire, presque sans laisser de traces, sinon dans l’histoire de ses ennemis. 

Heureusement que ces tombes, tardivement redécouverts, étaient là, car autrement pas mal de monuments, temples, routes et chemins, auraient continué à être attribués aux romains.

 Et justement, son histoire, telle qu’elle apparaît à travers ces tombes, me semblait extraordinaire. Et j’ai toujours cru, à tort, peut-être, que ce que nous considérons comme grande style roman, comme par exemples le pont du Gard, ou les autres viaducs, même si ils sont le plus souvent d’origine romaine, certainement, sont en fait dus aux étrusques, car la civilisation étrusque précède en grandeur la civilisation romaine et le peuple étrusque, ses architectes, son savoir-faire, se sont fondu dans le peuple romain… 

Un peu comme l’alphabet latin, qui est en fait du aux étrusques, qui à leur tour l’ont pris chez les Grecques, qui l’ont pris chez les Phéniciens : vous me suivez ? 

 Alors, en sachant qu’à Tarquinia il y a au moins 3000 tombes (d’autres sources parlent de 6000 !), dont 200 peintes et 14 ouvertes actuellement pour la visite (Tombe del Cacciatore, dei Giocolieri, della Pulcella, Cardarelli, della Fustigazione, Fiore di Loto, delle Leonesse, dei Gorgoneion, dei Caronti, dei Leopardi, delle Baccanti, della Caccia e Pesca, 5513 e 5591), et qu’en plus son Musée Municipal est parmi les plus fournis du monde, (le nombre d’objets trouvés dans ces tombes a été si grand que même en remplissant tous les grands musées du monde, ils en restent assez pour leur lieu d’origine), vous pouvez aisément deviner combien j’étais ravie d’être là. Surtout que ce voyage n’était pas du tout planifié, l’idée est venue tout à fait spontanément à mon mari après un très intéressant documentaire vu sur ARTE le mois de décembre ! Et comme les tombes étaient vraiment spectaculaires, des vraies constructions enterrées sous des tumulus, avec leurs fresques souvent très belles et toujours très intéressantes, j’avais toutes les raisons du monde d’être enchantée.

  En plus, pour compléter le paysage, un vieil olivier, avec une belle couronne, si romantique sur cette pelouse au milieu des tombes, un peu plus loin un très haut mur rougeâtre qui cour vers la plaine de Civita, en rappelant le génie constructeur des… étrusques … Je sens que ma fascination pour cette civilisation va encore accroître après ce voyage ! Dommage que le temps ne nous permette pas d’explorer à loisir toute cette contrée magique, déjà que nous sommes affamés et qu’il faut partir chercher un restaurant vite fait si nous voulons visiter  le Musée, car nous avons appris qu'il ferme lui aussi  à cinq heures…
Chose dit, chose fait et quelques délicieux gnocchis (rien, mais alors vraiment rien à voir avec ceux qu’on trouve en France dans les grandes surfaces), un bon verre de Chianti et un café à l’Italienne (chez Bruno Paolacci, s’il vous plaît ) plus tard, nous voilà dans la cour intérieure du musée, parmi des exceptionnels sarcophages de notables étrusques !
Le musée du palais Vitelleschi (un palais construit au XV siècle, bel exemple d'architecture médiévale et renaissance à la foi, avec un étonnant escalier en pente douce qui mène aux étages, un escalier pouvant être monté à cheval, il me semble) nous a lui aussi beaucoup impressionné. 

La visite commence avec une salle où sont exposées les sculptures archaïques, qui ressemblent beaucoup aux sculptures primitives des vieilles églises romanes en France. Puis des nombreux sarcophages richement sculptés, avec des statues pas du tout mortuaires, tellement… conviviales, les femmes avec des figures calmement belles et intelligentes et même joyeuses, les notables, sérieux et parfois débonnaires… Et les splendides vases et autres assiettes peintes, parfois importés de Grèce ou d’Égypte, d’autres réalisées par des artistes autochtones, beaucoup signées. Des vases qui semblent carrément neufs, en céramique noire (bouchero) avec une grande richesse picturale, pour ne pas parler de la précision du dessein des figures noires ou roses : « on ne fait plus des choses si belles de nos jours », me dit mon mari, et je pense que c’est vrai, cet art me semble perdu à jamais. Il y a aussi la surprenante, pour moi, collection de kylix érotiques, pour ne pas dire pornographiques, puis la collection de bijoux, en or, argent ou ivoire, les œufs d’autruches et enfin les non moins célèbres chevaux ailés et de nouveau les tombes peintes, cette fois à l’intérieur du musée… 

Tous ces objets ont l’air si modern et actuel, il y a même des appareils dentaires, si si, des prothèses en or datant du VIIe au IVe siècle avant notre ère, les Étrusques maîtrisaient l'art prothétique dentaire ! Après la visite nous sommes plus que jamais impressionnés par cette brillante et mystérieuse civilisation, oubliée pendant des siècles : il a fallu que les voyageurs étrangers, vers le XVI siècle, la redécouvre et la révèle aux italiens, qui, tellement habitués avec les ruines qui les entouraient de partout au quotidien, ne les remarquaient même plus et même quand ils les remarquaient, ils les attribuaient toutes aux romains ! 

C’est après ça que des fouilles fébriles ont commencé à être entreprises, au début plus ou moins chaotiques, faits par des amateurs (amateurs d’art ou amateurs de profit) puis, enfin, vers la deuxième moitié du XIX siècle les recherches devient un peu plus scientifiques et systématiques… 

Pourtant, malgré ces recherches, le mystère étrusque reste entier, il me semble : la langue étrusque ne ressemble à aucune autre langue antique, indo-européenne ou sémitique, sauf une certaine parenté avec la langue parlée dans l’île de Lemnos, les textes étrusques, quoique assez nombreuses, n’ont pas encore été déchiffrés, les Étrusques eux même, sont-ils des italiens d’origine, ou ils sont venus d’ailleurs, et si c’est le cas, sont-ils pré-indo-européen ou proto-indo-européen.

 La ville Tarquinia elle-même, telle qu’on l'a vu, n’a rien à voir avec la triste ville poussiéreuse et salle décrite par l’auteur anglais il y presque deux siècles. Et ce n’est parce que nous l’avons vu sous la pluie que nous n'avons pas pu apprécier sa beauté… Pimpante pour les jours de fin d’année, avec ses belles églises et ses beaux palais moyenâgeux, en style gothique, renaissance et même baroque, avec parfois des gracieuses statues dans le plus inattendu recoin, des maisons aux couleurs méditerranéennes, personnellement je peux dire que même sous la froide et agaçante pluie de décembre, malgré la fatigue, je n’avais pas du tout envie d’arrêter la promenade et d’entrer à la maison. Pour retarder un peu le départ j’ai proposé une glace dans une pâtisserie de passage et mon gourmand de mari a aussitôt accepté. C’est là que j’ai rencontré la très belle et très gentille vendeuse qui venait de Roumanie... Encore une photo finale et comme il faisait nuit et nous étions déjà fatigués (pas moi, of course, vous vous imaginez bien) nous sommes entrés à l’hôtel.
Le lendemain, changement total de programme : nous ne partons plus directement vers Pise, mais via Sienne : mon ami Roumain, que j’allais rencontrer à Gênes, m’ayant tellement venté la veille cette ville, qu’il nous a finalement convaincus. Et je dois dire que nous ne l’avons pas regretté ! Déjà le fait que nous n’ayons pas pris la même route qu’à l’arrivée, mais « Via Aurelia bis», qui se trouve être vraiment belle, une vrai route romaine… sinon étrusque, surtout qu'au début, pour y aller, nous passons à côté de la Nécropole... 

 Nous étions accompagnés longtemps par l’aqueduc romain, lequel en fait n’est pas romain, mais construit beaucoup plus tard, entre 1709 et 1714, mais qui contribue à renforcer l’illusion : j’imaginais déjà les légions romaines avançant à pas cadencé entre les parois de la route. Car au début la route est un sort de chemin pavé, bordé d’une part et d’autre par des hautes parois couvertes de verdure, avec au sommet les arbres qui se profilent sur le ciel… 

Je pense avec nostalgie au voyage fait pas George Dennis il y a presque deux siècles : oh, combien j’aimerais faire le même ! En calèche, au rythme des chevaux, comme lui, ou même per pedes. Le plaisir que j’aurais à admirer à loisir ce paysage, d’étudier toutes ces ruines que nous apercevons à travers le paysage qui coure à 90 km/ heure autour de nous… 

Et toutes ces belles villes et tous ces beaux villages que nous traversons toujours à grande vitesse (oeuh, en respectant quand même les limites légales et aussi les conditions météo, quand même, car d’un temps à l’autre un brouillard épais nous coup fortement la visibilité ! Heureusement qu’à part nous il n’y a presque personne sur les routes..)... Monte Romano, où il me semble que se préparait un marché, Vetralla, Viterbo et enfin… Orvieto, dominant fièrement du haut de sa colline les vallées alentour, trop beau pour ne pas s’arrêter au moins devant, le temps de prendre quelques photos souvenir ! Le paysage me semble si typiquement toscan, que je mets une photo ici :

On dirait un arrière-plan de tableau, n’est-ce pas ? …

 Je me promets solennellement d’y revenir un jour, sinon dans cette vie, alors dans une autre …

 Mais, pour le moment, nous n’avons pas le temps de visiter la ville: dans une seule journée nous ne pouvons pas tout voir et nous avons fait notre choix : c’est Sienne, puis en vitesse Pisa, juste pour ne pas dire que nous avons dormi deux nuits à côté sans voir la célèbre tour ! 

 Enfin, les heures tournent, nous prenons illico-presto l’autoroute et nous allons tout droit vers Sienne, qui n’est pas d’ailleurs très loin, nous l’apercevons déjà derrière ses murs sur la colline, car oui, Sienne est une ville-citadelle, qui garde encore intacts ses murs et ses portes. Nous nous débrouillons, après quelques hésitations, à parquer la voiture quelque part à côté de l’imposante porte romane et nous commençons notre périple à travers les ruelles pavées de la ville, direction le Dôme !

Qu’est que vous voulez que je vous dise ?

C’est bôooooooooooooooooooo… Sienne est une ville pour piétons, sans trottoirs, aux ruelles pittoresques, étroites et sombres, bordées des maisons en briques à plusieurs étages, au décor sur fond rouge, inchangé depuis des siècles et probablement aucune ville italienne, sinon aucune ville tout court, n’a concentré autant de chefs-d’œuvre dans un espace aussi restreint, tant leur nombre nous semble grand sur notre parcours: Via Roma, Via di Pantaneto, Bianchi di Sotta, Via di Cita, Via del Capitano...

Je bombarde à gauche et à droite avec mon appareil photo, je ne sais pas où donner de la tête : dès le début j’ai l’impression que je suis entrée dans un musée. 

A cause de la foule qui avance serrée, dans la même direction, armée d’appareils photos et autres caméras, même pas besoin de regarder une carte.

 Puis, la ville elle-même, avec ses murs médiévaux, les façades gothiques en briques rouges (le célèbre rouge de Sienne) et, plus rarement, pierres, aux fenêtres crénelées et arcades en ogives, les grands palais qui s’étirent gracieusement en empruntant les courbures des rues, ici une statue, là un édifice aux allures de temple grecque, des fresques, encore des statues … Mais qu'est-ce qu'elle fait ici la louve avec les deux gamins? On n'est pas à Rome, que je sache, même pas à Bucarest, si? 

Et voilà le DÔME, l’apothéose, la merveille, avec une splendide façade romano-gotique en marbre multicolore, blanc, rouge, noir, construite d'après les dessins de Giovanni Pisano. Le même Giovanni Pisano, dont Vasari parle avec beaucoup de respect dans son livre, a réalisé aussi les nombreuses statues qui animaient la façade dans son secteur inférieur et qui sont maintenant à l’abri dans le musée de l’œuvre, à côté de la cathédrale, remplacées dehors par des copies… La partie supérieure de la façade, en style gothique flamboyant, d'un grand effet décoratif, est terminée par trois flèches, recouvertes au centre par des mosaïques en or, copies du XIX siècle d'œuvres précédentes.

La coupole, très belle elle aussi avec sa forme à base hexagonale, qui devient sphérique au-dessus d’une galerie ouverte bordée de fines colonnes comme un collier en marbre blanc, se cache partiellement derrière le clocher (le campanile), qui s’élance fière et gracieux vers le ciel, tout en bandes horizontales de marbre noir et blanc, les couleurs de Sienne, comme les deux chevaux de Senius et Aschius, les deux fils de Remulus, qui, selon la légende, ont fondé la ville. Si de l ‘extérieur la cathédrale nous impressionne, ce n’est qu’un avant-goût de ce que nous réserve l'intérieur, d’une beauté esquisse, grandiose et chatoyante à la fois. Construite en forme de croix latine, avec la multiplication d’arcades gothiques en plein cintre sous des voûtes bleu parsemées des étoiles en or et la succession de piliers en bandes horizontales de marbre blanc et noir-verdâtre, comme les murs, l’église est conçue de telle sorte qu'en entrant le regard soit dirigé vers le chœur, où la coupole peinte par Bernini brille comme un soleil d'or et où trône la très belle chaire à colonnes de porphyre rouge et marbre vert, dont quatre reposant sur des lions.

Dans le cœur, à part la chaire, richement sculptée par Nicolas Pisano, il y a la fresque de Beccafumi, avec au-dessus le vitrail qui orne une fenêtre circulaire et au centre le maître-autel de Baldassarre Peruzzi, avec l’énorme ciboire (tabernacle ?) en bronze de Vecchietta et les anges de Francesco di Giorgio Martini. Enfin, il y a l’autel Piccolomini, avec ses statues exécutées par Michel-Ange et tant d'autres tableaux, statues et fresques à admirer, qu’on marche aveuglement, en regardant dans tous les sens, comme envoûté. Et si finalement on baisse les yeux, on est ébloui par le pavement historié, exceptionnel et unique lui aussi, exécuté à graffite ou en marqueterie de marbre coloré. Et même s’il est partiellement couvert, car pour sa protection il est entièrement visible seulement une fois par an, entre 15 août et 15 septembre, avec ce qu’est visible, comme par exemple « La Fortune », exécuté par Paolo Manucci d’après un dessein de Pinturicchio ou « la Sibylle d'Érythrée » de Antonio Federighi (que je vous mets ci-dessous) on peut se faire une idée de sa magnificence. Mais le plus beau reste encore à venir et je ne parle pas bien sûr de cette grande crèche, nichée dans un coin, kitch à souhaite, que j’ai pris quand même le plaisir de photographier. Mais de ses chapelles, une plus belle et majestueuse que l’autre, en commençant avec la baroque chapelle Chigi (1661) , connue aussi comme la chapelle de la puriste historien-peintre. Je me demande, malicieusement, ce qu’il aurait pensé de Picasso et tous ses peintres modernes, qui n’hésite pas à vendre même des toiles blanches en guise de chef d’œuvres. En tout cas, les gens qui déambulent comme moi autour de la bibliothèque les yeux écarquillés et les bouches ouvertes d’admiration béate ont l’air de considérer comme moi que les artistes italiens de la renaissance dépassent de loin ces artistes modernes et leur art non-figuratif. Et ce n’est même pas étonnant, vu qu’ils ont conçu leurs œuvres à l’école des maîtres antiques, grecques et romains, ce que nous rappel la statue du centre de la chapelle, la copie romane des Trois Grâces de Praxitèle, qui a tellement impressionné Raphaël à sa visite à Sienne.

Enfin, avec regrets je sors de l’église et nous entrons dans le Musée de l'Œuvre, où nous pouvons admirer de près les sculptures originales de la façade de la cathédrale, dont celles réalisés par Giovanni Pisano et Jacoppo della Quercia et puis les peintures qui font la fierté de l’école de Sienne, la Maésta et la Crucifixion de Duccio di Buoninsegna, la Madone aux grands yeux et des nombreuses autres pièces distribuées sur trois étages. Depuis le Musée de l’œuvre de la Cathédrale, par un escalier abrupt et très étroit en colimaçon, glissant dans cette journée pluvieuse, on accède en haut du fameux pan de mur, reste de façade de la cathédrale inachevée, ( le facciatone ) : un projet pharaonique d'une nouvelle cathédrale,  abandonné principalement pour cause de peste, dont l’actuel dôme aurait été seulement le transept. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la cathédrale actuelle est orientée selon un axe Sud- Nord, chose inhabituel pour une église chrétienne, l’orientation normale étant ouest -est, avec le cœur à l’est, là où "la lumière jaillit des ténèbres". Arrivés sur une petite plate-forme en haut du mur, non sans mal, vu le nombre des touristes qui voulaient y accéder et l’étroitesse du dit escalier, nous sommes récompensés par une vue exceptionnelle (pour ne pas dire « imprenable », comme les précieuses ridicules du journalisme français !) sur la cathédrale, la ville de Sienne et, au-delà de ses toits, la merveilleuse campagne toscane.

Pour finir, nous avons visité la crypte peinte, découverte en 2002, et le Baptistère, situé dans la partie Nord de la cathédrale, sous l'abside, au niveau inférieur de la rue d’en bas de l'escalier extérieur. Ce bâtiment a lui aussi une belle architecture et une belle décoration murale, mais , à l’intérieur, plus impressionnants m’ont parus les fonts baptismaux hexagonales, réalisés en marbre, bronze et smalt par des célébrées maîtres sculpteurs du quattrocento, comme Donatello, Lorenzo Ghiberti et Jacopo della Quercia. On a bon à savoir que l’Italie et un pays plein de monuments, que ses villes, Rome, Florence, Venise, Sienne, Gênes, etc… sont extraordinaires, mais chaque fois quand on y est, on est toujours aussi émerveillé devant leur beauté. Totalement conquis après cette visite, nous nous dirigeons enfin vers la place centrale, la célèbre piazza del Campo, où nous trouvons (après moult hésitations) un restaurant, d’où, devant une pizza et une grande bière, nous pouvons admirer tranquillement la Torre della Mangia et le Palazzo Pubblico, avec ses gracieuses fenêtres à arc siennois, et ses fenêtres triples aux fines colonnes en marbre blanc. Quoi dire ? Je suis impressionnée par le fait que tous ces palais, toutes ces structures à plusieurs étages, en briques et pierre, résistent ainsi depuis des siècles, j’admire leurs lignes d’une élégante simplicité, la parfaite harmonie renaissance, la conformation particulière du pavage en briques disposées comme des arêtes de poisson pour habiller la forme semi-circulaire et concave vers le centre de la place. Malgré sa singularité, l’endroit me rappelle d’une certaine manière Bruxelles et sa Grande Place. Pas du tout la même chose, mais la même démarche, y inclus l’hôtel de ville, n’est-ce pas? On peut faire une étude comparative éventuellement, mais en n’étant pas architecte, je ne me sens pas concernée: j’ai bu une bière  là-bas et ici, peut être ceci explique cela…

Enfin, le temps est pressé, avec regret nous devons quitter la place, mais pas avant d’avoir visité la chapelle et le Vestibule du Palais Public. Maintenant, encore quelques photos sur le chemin de retour vers la voiture et vite direction Pise, pour pouvoir vérifier au moins si la célèbre tour est vraiment penchée ! Ben, elle l'est et c’est à peu près tout ce que nous avons vu, car après plusieurs déviations à la sortie de l’autoroute en direction de la ville, les inondations ayant passé par-là (car on était en plein dedans, Luca, Pisa, &co. encore heureusement que c’était vers la fin, et que nous n’avons pas eu de l’eau !),quand nous sommes arrivés à Pise il faisait déjà nuit et comme le GPS faisait des sienne, il nous a fallu du temps pour nous repérer et pour arriver au Dôme. Et comme mon mari était fatigué et n’avait plus aucune envie de visiter quoique ce soit, nous sommes entrés presque aussitôt à l’hôtel.

Le lendemain nous sommes partis un peu plus tard que d’habitude de l’hôtel, à mon grand mécontentement, car j’aurais voulu avoir le temps de voir un peu la mer avant d'arriver le plus vite possible à Gênes, où nos amis nous attendaient avec impatience ! En plus nous avons eu des problèmes pour entrer dans l’autoroute de Gênes, de nouveau des déviations, même si la situation était nettement meilleure. Nous avons pu voir les dégâts, des maisons avec des sacs de ciments devant la porte, de la boue dans les rues et, comme d’habitude, les carabinieris qui nous laissaient passer sans rien nous dire, sauf au bout du chemin, quand il fallait faire demi-tour : bizarre, n’est-ce pas ? Nous avons réussi quand même notre entrée dans l’autoroute et apparemment tout était maintenant pour le mieux dans les meilleurs des mondes, nous n’avions plus rien à faire que rouler tout droit vers Gênes. 

Que nenni ! 

Malgré les avertissements catastrophistes de nos amis, nous sommes sortis quand même encore une fois, direction Levanto, pour jeter un œil vers les Cinque Terre, en continuant après notre route sur le bord de la mer. Très, très beau paysage, il mérite vraiment sa place dans la liste du Patrimoine Mondiale d’Unesco, les montagnes descendant à pic vers la mer, les villages accrochés à leurs pentes d’une manière improbable, avec les églises colorées dont les clochers surgissaient courageusement au-dessus des nuages… Nous nous sommes arrêtés émerveillés dans un de ces villages, plus précisément, devant la jolie église de Montale, quelque part avant Levanto, juste pour quelques photos de l’église, mais aussi de ce paysage magnifique, pour avoir au moins un souvenir, même pâlichon, de ce que nous avons traversé, de ces abîmes au-dessus desquelles passait notre route en virages de plus en plus glissants, sous une pluie fine et froide et un brouillard humide… 

 Mais le pire restait à venir, comme d’habitude.. 

A peine dépassé Levanto, où mon mari a dit qu’il aimerait avoir un appart (je le crois bien !), ce que méritait encore quelques photos souvenir,  découragés par les difficultés du trajet, avant l’entrée en Bonassola nous avons décidé de prendre une route à droite pour retourner sur l’autoroute. Manque de pot, ce n’était pas la meilleure décision, car exactement dans cette portion de montagne c’était un temps épouvantable: nous avons trouvé un brouillard épais, à couper au couteau, nous ne voyons rien à 5 mètres ! Heureusement encore que nous apercevions un peu l’asphalte du chemin devant notre voiture et qu’à part nous, les deux fous d’Auvergne, il n’y a avait plus personne à s’aventurer sur cette route, autrement, avec ces virages qui se succédaient en formation serrée, un après l’autre, je ne vous dis pas ce qu’aurait pu arriver ! Le comble c’est qu’une fois devant l’entrée de l’autoroute, il a fallu faire demi-tour, car c’était barrée ! Demi-tour où ? Bien sûr que là, vers Bonassola, où nous avons décidé de quitter le bord de mer pour prendre l’autoroute: bien fait pour nous!


Ben, finalement nous nous sommes débrouillés quand même, car autrement je ne serais pas ici en train d’écrire mon histoire… Mais quelles péripéties et quelles émotions : « en quoi nous sommes nous fourrés, boudiou ? », n’arrêtait pas mon cher et tendre de dire… En tous cas, vers quatre heures (et non pas à midi, comme prévu) nous sommes arrivés à Gênes et notre ami est venu nous prendre à la sortie Est de l’autoroute pour nous conduire à l’hôtel où nous avions une chambre réservée pour la nuit. 

Nous avons laissé la voiture devant l'immeuble de nos amis, le seul endroit où elle pouvait être parquée (« se garer à Gênes » tient vraiment de l’exploit, «circuler en voiture à Gênes », pareils !) et nous sommes partis illico-presto faire un tour dans la ville, tant qu’il y avait encore un peu de lumière. Pas pour longtemps, la lumière, mais même avec la lumière électrique la ville m’a paru fantastique, le soir avant le Réveillon de fin de l’an. 

Les rues grouillaient de monde, des estrades préparées pour des concerts en air libre, des manifestants d’extrême gauche chantant gentiment au milieu de la place avec des slogans pour la libération de la Palestine collés au dos, des touristes se promenant dans les rues du centre historique, des retardataires, cherchant au dernier moment leurs cadeaux et leurs provisions de réveillon... Et puis nous, mon mari, notre ami, que nous n’avons pas vu depuis 5 ans (mon meilleur ami, depuis les pires années de Ceausescu !) et son fils.

Enfin, un peu fatigués, nous sommes entrés chez lui où sa femme nous attendait pour fêter comme se doit le réveillon. Ce que nous avons fait ! Et en ce qui me concerne, je dois dire que c’était un des plus beaux réveillons de ma vie, un Réveillon que je ne vais pas oublier de sitôt. Avec le champagne bu comme il se doit (et comme je l’ai voulu moi) dans la rue, sur une grande terrasse surplombant la ville de Gênes et son port, avec des discutions intenses, comme autrefois, Marin Preda, Dostoïevski, Cartarescu, Herta Müller, etc., etc.

La nuit à l’hôtel ne fut pas très longue, car le lendemain il fallait, je n’ai toujours pas compris pourquoi, partir vers la France, pire que ça, partir vers la maison, donc faire un trajet de quelques 900km via Montpellier !

Et dire que le premier janvier c’était mon anniversaire !

Andalousie