jeudi 16 février 2017

Circuit en Roumanie. Maramures.



7 septembre 2016.

 Le matin, de bonne heure, nous voilà partis dans un court voyage-pèlerinage vers la Roumanie. 

Pour commencer, nous traversons  les autoroutes de France et d'Allemagne (très bouchonnées, les dernières, mari déçu par l'évolution du voisin!) plus un bout de Suisse, jusqu’en Autriche, où nous nous sommes arrêtés pour dormir dans une pas vraiment petite auberge sur le bord du Danube, à Klein-Pöchlarn. Une ville charmante au demeurant, comme j’ai pu le constater, malgré le brouillard épais qui l’enveloppait, pendant ma courte promenade  avant le petit déjeuner du lendemain. 

Et parce que je crois que je suis la première citoyenne d’origine roumaine à traverser cette ville, vues les cygnes qui batifolaient tranquillement sur le fleuve, je considère qu’au moins une photo de l’église locale mérite d’être exposée sur ce blog.



Enfin, un petit déjeuner substantiel plus tard, nous avons repris notre route à travers l’Autriche et la Hongrie pour arriver le plus tôt possible en Roumanie, plus précisément en Maramures, à Vadu Izei.

Après une Hongrie plate et sans intérêt (attention, je parle aux abords de l’autoroute !) où seulement les immenses champs, avec des longs rangés de cucurbitacées non-identifiés, attiraient notre attention, une belle église (en fait la Cathédrale romano-catholique que j’ai pu vite photographier au passage) nous montre que nous sommes arrivé enfin à Satu Mare ou Szatmárnémeti, comme indiquent joyeusement les panneaux hongroises (heureusement que je connais le schmilblick, hein !).
 

Depuis Satu Mare à Sighetu Marmatiei notre route, la DN19, traverse Le Pays Oas, une dépression intramontagnarde, située entre les montages (ben oui!) Oas et Gutai,  considérée comme étant une des régions les plus belles de Roumanie.

Nous dépassons en vitesse quelques villages, en regardant ébahis les nouvelles maisons, une plus somptueuse et plus moche que l’autre, surtout celles de Certeze (c’est un concours sur le thème qui a la maison la plus grande et la plus kitsch, ou quoi ?) et les nouvelles églises, plus ou moins dans le même style, façon photo-copieuse.

Et si vous faites une recherche google avec le mot CERTEZE (même pas besoin d’ajouter Roumanie, hein) vous allez comprendre ma stupéfaction en voyant cette débauche de laideur : à croire que le communisme, en falsifiant et manipulant toutes les critères de valeurs, a eu aussi un impact sur les critères esthétiques, ou, plus simplement, le bon gout et le bon sens des habitants de ces contrés!

Heureusement nous dépassons ces villages et la route commence à serpenter dans un splendide paysage des basses montagnes, couvertes par des accueillantes forêts de feuillus. Pas ou peu de trafic, pas des maisons, rien ne trouble la vue, sinon une petite auberge aperçu au détour d’une courbe et que je vais apprendre plus tard qu’elle s’appelle «Sambra Oilor», et que c’est sur le plateau voisin que se déroule chaque année une fameuse fête traditionnelle de la transhumance.

Je n’ai pas beaucoup des photos de cette route,  1. à cause de la vitesse avec laquelle nous circulions, quand je voyais l’objectif à photographier c’était déjà trop tard pour le faire et 2. à un moment donné il faisait déjà trop noir : ben oui, nous avions plus de mille km de route dans nos jambes, pardons, dans nos roues…

Quand même, deux photos, une pour montrer qu’on traversait le pays des cigognes et l’autre avec une de ces nouvelles, et de mon point de vue horribles, églises, qui malheureusement poussent maintenant comme des champignons en Roumanie et que j’ai pu voir dès que j’ai passé la frontière.




Enfin, après avoir dépassé le col Huta, à quelques 640 m d'altitude, la route continuait belle et sinueuse jusqu’à Piatra, où elle oblique à droite jusqu’à Sighetu-Marmatiei, en suivant la frontière (actuelle) ukrainienne et la vallée de la rivière Tisa.

De là à Vadu Izei, pour seulement 7km, il nous a fallu plus d’une heure pour trouver la pension Doina où nous avions la réservation. Nous étions même prêts à faire demi – tour, convaincus que notre pensionne n’existe pas, mais, heureusement, malgré l’heure tardive, nous avons rencontré un citoyen qui nous a dit de continuer tout droit au milieu des champs, sur un chemin improbable que notre GPS refusait d‘indiquer.

 Finalement, nous avons trouvé notre gîte et, heureux de l’avoir trouvé, nous n’avons pas protesté d’avoir à porter les valises à travers un long chemin pierreux et sans lumière, ou de ne pas pouvoir diner, car "la maison ne faisait pas restaurant, sauf sur commande spéciale".

Nous nous sommes donc contentés de quelques sandwiches et des pommes que j’ai eu l’intelligence de mettre dans les bagages, après quoi nous nous sommes couché et nous avons dormis comme des loirs jusqu’au lendemain.

Mais, le lendemain matin, nous étions récompensés.

Déjà, le paysage du jardin vu par la fenêtre de notre chambre: un petit verger où deux meules de foins trônaient au milieu d’un espace d’un vert éclatant. Puis le reste du jardin, devant l’auberge. Et last but not the least, la salle à manger, où nous sommes allés prendre le petit déjeuner.

 Décorée de façon plus ou moins traditionnelle, avec des meubles en bois massif et de très belles céramiques de Vama et de la vallée de Iza et, au centre des tables,   des plateaux en bois sur lesquelles trônaient le lard salé et les oignons rouges (slana si ceapa!), comme un rappelle à l’histoire locale. Car, depuis toujours, les hommes qui habitent dans ces lieux, où la terre n’offre pas assez pour vivre, partent travailler ailleurs apportant dans leurs bagages du lard salé et des oignons, justement, car elles se conservent bien et ainsi ils peuvent économiser autant que possible leur argent. 

C’est en fait la même histoire que celle des Auvergnats, ou des Cantaloups, ou encore des Aveyronnais, pardi… 

 Et, comme eux, les gens d’ici, après des mois de labeurs loin des leurs familles, auparavant sur les chantiers communistes, de nos jours plutôt à l’étranger, retournent toujours dans leurs villages, où ils se construisent ces grandes maisons qu’on peut voir partout, autant en Oas, qu’en Maramures, ou en Bucovine. A croire que les gens sont partout pareils. Sauf que, de mon point de vue, et pas seulement le mien, les habitants de ces régions roumaines sont particulièrement chaleureux et attachants !


 Et là, avant de continuer mon histoire, une petite parenthèse me semble nécessaire. A la fin de l’année 1984 j’ai eu la chance de fêter le Réveillon en Maramures, plus précisément dans le village Harnicesti dans la vallée de Mara !

C’était un hiver très rude, avec -30° et beaucoup de neige et de verglas et les quelques journées passées ici m'ont convainque que, non seulement cette région est d’une beauté exceptionnelle, mais les habitants sont aussi extraordinaires. Tel que, si je pense à la Roumanie et aux Roumains, les VRAIS ROUMAINS, je pense aux gens de Maramures et aussi, bien sûr, de Bucovine (le pays de mes parents). D’ailleurs, je ne suis pas la seule à penser ainsi.

Et c’est presque une évidence, car sont des régions plus ou moins enclavées, qui ont traversé le temps dans un isolement protecteur qui leur a valu de conserver leur propre civilisation. Protégés comme des forteresses par les montagnes Gutâiului, Tiblesului, Rodnei et Maramures et échappés à la collectivisation forcée et à la tragédie de l’industrialisation communiste, le pays de Oas et le Maramures historiques peuvent fournir aujourd'hui un aperçu réel du passé, de la vie paysanne roumaine  à travers le temps.

Pourquoi je dis ça ? Mais allez-y les voir ces ROUMAINS, simples et dignes et travailleurs et super accueillants et chaleureux.

Habillés dans leurs vêtements traditionnels vivement colorés, avec leur musique envoutante les jours de fête, les hommes qui fauchent encore le foin à la main, les femmes qui ratissent avec des râteaux en bois et  même le foin mis à sécher sur des barres de bois horizontales, ou monté en meules autour d'un mât comme ne se fait plus en France depuis belle lurette…

En 1984 nous sommes venus dans la région sans aucune réservation, sans annoncer personne, sauf une vague promesse faite par le maire, à l'un d’entre nous qui est passé par là pendant l’été, de nous louer la salle de fête pour le Réveillon.

 Et dans les conditions de l'époque nous avons trouvé tous des places  chez les habitants pour dormir et nous étions une cinquantaine, quand même. Et la famille qui nous a logé, moi et quatre autres personnes, ne voulaient même pas recevoir notre argent et après qu’ils l’ont finalement reçu, ils nous ont fait cadeau une bouteille de horinca (une eau-de-vie traditionnelle) « pour la route », laquelle horinca aurait couté plus cher que ce que nous leur avons donné!

 Pendant la nuit de Réveillon, nuit que nous avons passé à la salle de fête du village, le maire et les femmes du village sont venues nous chanter des chansons traditionnelles. Le lendemain, c'est à dire le matin de Saint Sylvestre (en fait Saint Basile, pour nous, les orthodoxes), par respect pour les villageois qui nous ont si bien accueillis,  on étaient tous à l’église, pour fêter ensemble la nouvelle année !

Le trois janvier, une foie les fêtes finies,  nous avons dû quitter  Harnicesti vers Sighetu Marmație (20.3 km) à pieds, car rien ne circulait, à cause du froid. Quand nous traversions les villages les gens nous arrêtaient, nous faisaient entrer presque obligatoirement dans leurs maisons pour nous donner à manger et à boire, pour nous réchauffer, car nous avions "un si long chemin à faire par ce froid »…

Et je vous rappelle que c’était l'hiver 1984-1985, quand en Roumanie c’était une grande pénurie de denrées alimentaire … ! A mon grand regret, lors de ce circuit - ci je n'ai pas pu retrouver la maison où j'avais séjourné auparavant, pour remercier encore une fois ces gens merveilleux !

 Mais revenons à notre voyage. Après le petit déjeuner, où nous avons quand même évité le plat local traditionnel, c’est-à-dire le lard salé et les oignons rouges, nous sommes partis vers Sighetu Marmatiei, où, pour commencer, j’ai cherché une banque en courant partout, tel qu’à la fin je n’ai pas eu ni l'envie, ni le besoin de visiter la ville. Surtout que le nombre incroyable de nouvelles églises apparues dernièrement dans cette ville commençait à m’agacer fortement.

Par conséquent, nous sommes partis illico - presto au… cimetière… Le célébrissime cimetière JOYEUX, hein, faut pas imaginer autre chose, quand même …

Attention, dès maintenant nous allons visiter presque exclusivement des endroits qui sont déjà entrés dans le Patrimoine Mondiale de l’UNESCO ! Rien que ça !

Commençons avec ce fameux cimetière. Ben, il nous a bouché un coin, comme dit mon mari ! Car nous avons cru naïvement qu’il y a là seulement quelques croix peintes, comme on peut voir dans tous les prospectus et autres reportages TV. Mais non, pas du tout ! Dès la rue, avec les boutiques de souvenirs (où nous avons profité d’occasion pour acheter quelques petits cadeaux, car autrement, quand je voyage, je n’ai pas le temps de faire les boutiques !) et les traditionnelles cerga, des couvre-lits en laine tissés main, pendues sur les clôtures, pour ne pas parler de la foule des touristes (surtout étrangers) et des nombreuses voitures garées à la queue leu-leu.  Pas de doutes:  nous étions donc dans un endroit hautement touristique. 

 Et l’ancienne église, bâtie en 1886 et complétement modifiée depuis 2009, un peu trop richement décorée à mon goût, toute en or et en faïences bleues et vertes, encore en travaux mais brillant déjà de mille feux au milieu d’une marée de croix, elles aussi d’un bleu électrique caractéristique (le fameux bleu de Sapanta !) nous a d’amblée fait comprendre pourquoi.



 Le dit cimetière, devenu au fil du temps un vrai musée en plein air et entré, comme je le disais,  dans le patrimoine mondiale, il est non seulement coloré et beau, mais vraiment joyeux et plein d’humour.

Son histoire a commencé en 1935, quand, à l’initiative du prêtre greco - catholique Grigore Ritiu, un peintre local, Stan Ioan Patras, a sculpté la première épitaphe.

Maintenant le dit peintre a lui-même sa propre croix dans le cimetière et à part ça il y a environ quelques autres 800 de croix sculptées dans du chêne, peintes sur toutes les côtés dans ce bleu caractéristique, avec des peintures naïves, des bas-reliefs et de petites poésies qui décrivent d’une manière plus ou moins humoristique la vie de la personne qui y est enterrée.

 Ainsi, par exemple, dans la photo si dessous, il y a l’épitaphe suivant : « Sous cette lourde croix, est couchée ma belle-mère. Si elle aurait vécu encore trois jours, c’était moi sous la croix et c’était elle qui aurait lu. Vous, qui passez par-là, essayez de pas la réveiller, car si elle revient à la maison, elle recommence à m’engueuler ». Il y a aussi l’ivrogne, le malheureux chauffeur, (« Mon Dieu, quelle injustice/De me laisser comme ça mourir/Je venais juste d'obtenir/Mon permis de conduire ») le bucheron, la tisserande, l’infirmière, etc… Toute l’histoire du village au jour le jour !
 


Après avoir passé un bon moment à étudier toutes les croix, nous quittons le village et nous allons visiter ce que constitue l’âme de Maramures, c’est-à-dire ses villages et ses campagnes intactes, où la civilisation du bois se déploie en toute sa splendeur, avec les maisons au toit en bardeaux de bois, les impressionnantes églises, certaines classées UNESCO, visibles de loin en raison de leurs audacieux clochers qui leur donnent tant d’élégance et de majesté et, enfin, les fameuses portes rustiques, traditionnels, en bois de chêne sculptés, véritable “arches de triomphe”,  qui délimitent les propriétés paysannes du monde extérieur.

À propos de ces portes en chênes et leurs riches sculptures dont les Roumains se plaisent à expliquer  la symbolique  ,  pendant ma visite précédente dans la région, nous avons habités dans  une grande maison moderne, toute neuve, avec un magnifique porte à l'entrée du jardin, semblant quand même un peu disproportionné par rapport aux dimensions de la maison. Surtout en sachant qu'elle coutait presque autant.  Un peu étonnée,  j'ai demandé à notre hôte « pourquoi avoir fait construire une porte si imposante ? » et sa réponse, qui m’a beaucoup impressionnée, a été, «parce que c’est beau et ça dure»!

Et c'est toujours vrai: les portes de Maramures, avec leurs cordes tressées, les fleurs,  les feuilles, les soleils et les croix sculptées,  sont en elles même les symboles du désir des habitants  de perpétuer coûte que coûte  la tradition qui leur a été léguée par leurs ancêtres. 

 Les églises roumaines de Maramures et, plus généralement, de Transylvanie, véritable prouesse d’architecture en bois, sont la signature même du peuple roumain, qui, contournant l'interdiction de construire en dure, a trouvé les astuces pour laisser quand même, au milieu des vieux cimetières qui les entourent, la preuve tangible de son existence millénaire sur ces terres. Car les églises qui nous ont parvenus ont été construites du XIV au XVIII siècles, sur le modèle des bâtiments antérieurs, sur des techniques ancestrales, utilisées depuis toujours pour l’habitat.  

 Par ailleurs, les cimetières eux même, par leur aspect, représentent un sort d’héritage de nos ancêtres, les daces, qui considéraient la mort à peu près comme un changement de pays.

Fleuris, pleins de verdures, avec des arbres fruitiers tout autour, plus joyeux encore que le dit cimetière joyeux  de Sapanta, les cimetières dans ces villages sont des vrais lieus de vie, rien à voir avec les cimetières auvergnats en pierre de lave, par exemple.
 
Pour preuve, une photo d'un beau cimetière auvergnat, dans le cadre splendide des Combrailles qui  ressemble à la région roumaine dont le cimetière de la deuxième photo fait partie.





Mais, je vais m’arrêter ici, il y a assez des livres, d'articles et des blogs sur internet qui décrivent la zone, l’architecture locale &co. Quelques images valent mieux, je pense, que toutes les paroles que je pourrais écrire !

Autrement, quoi dire ?

Nous avons visité les églises les plus importantes, celles qui sont inscrites dans le patrimoine UNESCO http://whc.unesco.org/fr/list/904/ (Desesti et Ieud-Deal, la plus vieille église en bois de Roumanie),  mais aussi le monastère Barsana, où nous avons eu le plaisir de parler à des ouvriers qui travaillaient à la construction d’un nouveau bâtiment, ou Rozavlea, où j’ai eu le plaisir de voir qu’ils étaient en train de restaurer les icônes… Nous avons passé et repassé jusque tard dans la soirée dans toutes les villages entre les rivières Mara et Iza, Budesti, Sarbi, Harnicesti &co, sur des routes que mon mari a trouvé bonnes, nous avons pique-niqué dans un trou de verdure, une belle prairie au-dessus de Breb avec sa nouvelle église, sortant sans vergogne au dessus des arbres à l'horizon, et, enfin, la nuit venue, nous sommes revenues à notre pension pour un diner traditionnel sous un auvent aux chandelles, car cette fois nous avons été prévoyants et nous l’avons commandé le matin ! Voilà les photos. Pas besoin d'insister sur mes sentiments concernant ces images! Plus intéressant c'est que mon français de mari, auvergnat de Combrailles, a été lui aussi enchanté de ce qu’il a vu! Au point qu’il est prêt d’y retourner pour une vacance plus longue, éventuellement même pour y vivre, lol…

L'église de Desesti:


Desesti

Ieud Deal

Une belle fresque à l'intérieur de l'église de Ieud Deal et l'intérieur de l'église de Rozavlea.


Eglises de Rozavlea, Breb, Budesti, Barsana et des paysages entre Iza et Mara, dans les villages Budesti et Sarbi, au-dessus de Breb et à côté de Barsana.





http://brebenei.blogspot.fr/2016/03/vietnam-du-nord-au-sud-en-10-jours-jour.html
Bucovine..à suivre

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