Hélas, le temps passe trop vite : c’est déjà la dernière journée de notre voyage en Andalousie !
On quitte Grenade sur l’autoroute A44, Autovía de Sierra Nevada, qui poursuit la descente des
Montagnes Bétiques vers la Costa Tropical, pour finir par se connecter à l'Autorute de la Méditéranée (A7) qui nous amène à notre objectif du jour, le village blanc Frigiliana.
Pas le temps de s’attarder à regarder sur la droite, pour apercevoir la Vega de Grenade en traversant le Genil (pas du tout impressionnant après la sècheresse de l’été!), que la route serpente déjà entre le massif des Alpujarras et le mur de montagnes d'alignement Almijara, Tejeda et Alhama, après avoir dépassé Lecrin et le barrage de Beznar.
Et là je vais faire quand même une parenthèse, care à elle seule cette région résume bien l’histoire de l'Espagne.
Comme ailleurs en Andalousie, cette zone montagneuse a été colonisée successivement par les Ibères et les Celtes, les Phéniciens et la Rome antique et par les Wisigoths, avant la conquête musulmane de l'Espagne au VIIIe siècle.
Mais, contrairement aux autres régions, ici, la colonisation, à cause de la nature montagneuse du terrain, s’est effectuée très progressivement et c’est peut-être la raison pour laquelle l’empreinte a été plus profonde.
Les villages, avec leurs maisons peintes à la chaux, leurs ruelles étroites et tortueuses, leurs systèmes d’arrosage, leur gastronomie et même leurs noms, tout montre que les Maurs y ont longuement séjournés.
Et même après la reconquête chrétienne et la chute du royaume nasride, isolée et difficile d’accès, la région qui nous semble maintenant si paisible, est devenue le dernier refuge des Maures.
Ainsi, nous passons par exemple à côté Mondújar, un village du Lecrin, déjà très célèbre dans le royaume nasride de Grenade pour son château. C’est ici, par ailleurs, que le dernier roi Maure, Boabdil, s'est arrêté sur le chemin de Las Alpujarras et, après avoir remis les clés du royaume de Grenade aux monarques catholiques, il y a résidé jusqu'à sa morte.
Et c’est aussi de là que la dernière rébellion des Moriscos (les musulmans d'Espagne qui se sont convertis au catholicisme ) est partie :
la veille de Noël 1568, des représentants des crypto-musulmans (ces Moriscos qui, ayant été convertis de force après la prise de Grenade, continuaient à se vouloir musulmans) de Grenade, d’Alpujarras et d'ailleurs se sont réunis clandestinement à la vallée de Lecrin pour élire Hernando ou Fernando de Válor y Córdoba comme roi.
D’un coup celui-ci redevenait Musulman sous le nom de Muhammad ibn Umayya (allusion à ces supposés ancêtres omeyades) et prenait les quatre femmes qui vont avec. (ça a inspiré peut être Michel Houellebecq pour décrire la « soumission » de ces personnages ). 😁
Je n’insiste pas sur cette histoire, à priori très intéressante (voir par exemple ici mais il me semble utile de souligner qu’après la répression de la révolte, une partie importante de la population des Morisques a été expulsée de l'ancien royaume de Grenade, ce qui a provoqué une forte baisse de la population et l'effondrement de l'économie, étant donné qu’ils étaient son principal moteur.
Car, si à l’époque des Romains, la Bétique approvisionnait en blé, huile et vins le marché de Rome, les Maures exportaient de la soie, des épices et autres aubergines, cultivées en culture intensive sous irrigations et appliquant les connaissances agricoles babyloniennes et byzantines acquises au cour de leurs pérégrinations.
Après leur expulsion, de nombreux champs étaient restés en jachère, des vergers et des ateliers avaient été détruits pendant les combats et tout le savoir-faire a été perdu, malgré l’ordre donné par la couronne espagnole de garder deux familles maures dans chaque village, pour aider les nouveaux habitants venus de Castille et leur apprendre les techniques agricoles. ( Drôle d'idée, quand même, hein... )
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Finalement, comme on pouvait s'attendre, ce type de repeuplement de la région a échoué et les systèmes agricoles à base d’irrigation ont été perdus, remplacés par des cultures (sans irrigation) de céréales ou des légumineuses (pois chiches, lentilles) ou d’arbres fruitiers comme les amandiers, les figuiers et les oliviers qui résistent à la sécheresse.
Mais je ne vais pas décrire toutes les évolutions de l’agriculture andalouse, l’arrivée du tabac américain, ou l’agriculture à base de pesticide d’aujourd’hui, mais plutôt ce que je voyais par la fenêtre du bus, l’ocre des rochers sur les cimes des montagnes, des arbres clairsemés sur une terre brulée par le soleil, la garrigue plus dense par endroits, ici et là des oliviers, des orangers et des ifs.
Et malheureusement, les éoliennes ont remplacé les moulins à vent, pas de place pour le pauvre Don Quichotte dans la nouvelle Andalousie.
Mais c’est toujours mieux que cet océan de serres en plastique abritant des tomates sans goût et des fraises cultivées va savoir comment, qui couvre le désert d’Almeria. Quoique, d’un temps à l’autre on peut les voir ici aussi, enlaidir le superbe paysage…
Et puis, de nouveaux les noms des villages qui défilent, Molvízar , Lecrin, el Pinar, Lanjaron, Orgiva, Velez de Benaudalla, Almunecar, Nerja (tient, si j’aurais su !) et enfin Frigiliana !
Et là nous sommes dans le Parc naturel des Sierras de Tejeda, Almijara et Alhama, plus précisément dans la Axarquía, une « comarcas » à l’est de la province de Malaga, nichée entre la Costa del Sol et une chaine des montagnes qui la sépare de la province de Grenade.
Frigiliana, le village blanc déclaré « villa » au XVII siècle par Philippe IV et que nous sommes en train de visiter ébahis, est situé à l’est de la Axarquia, sur le versant sud de la Sierra de Almijara.
Son centre historique typiquement mudéjar, avec des rues étroites qui communiquent à travers des passages couverts, certaines équipées de portes fermées pour renforcer la défense de la population contre je ne sais pas quels agresseurs , est considéré le plus "pur" exemple de ce type.
Nous déambulons dans les ruelles qui montent et descendent suivant le flanc d’une colline douce, émerveillés par la beauté fleurie des patios, des passages en escaliers, des impasses étroits bordés d’immaculées maisons blanches, les portes, les Balcons et les rambardes en fer forgé, richement ouvragées, les enseignes d’échoppes, tout est beau, tout est fait avec gout et bien entretenu.
Difficile à croire que ce village, qui semble endormie au soleil depuis des siècles, a été le théâtre de tant de lutes et de tragédies : le massacre de la Bataille du Rocher avec ses 2500 victimes, chrétiens et maures, la rébellion face aux français au début du XIXe siècle, les épidémies de fièvre jaune, les tremblements de terre, l'ouragan dévastateur de 1928, la guerre civile…
Justement, après la guerre civile Frigiliana paraissait être sorti de l’histoire, un village oublié comme tant d’autres villages andalous.
Sauf que la mouvance hippie (dixit notre guide) ou simplement le désir des gens de recommencer à vivre avec un peu plus d'insouciance après une guerre si désastreuse, l’a fait entrer triomphalement dans le circuit touristique mondial : nombreux Anglais et aussi beaucoup des Nordiques s’y sont installés, tel qu’aujourd’hui ce n’est pas étonnant de voir des petites têtes blondes dans ses rues.
En tout cas, plusieurs fois primé, dont le 1er prix national d'embellissement des villages d'Espagne en 1982, Frigiliana fait partie de la Ruta del Sol y del Vino, malgré le fait que ses vignes ont été détruites par la phylloxéra, ce qui par ailleurs l’a appauvrit fortement au début du XXème siècle.
Mais le soleil et bel et bien là et c’est pour ça aussi et pour son climat sous-tropical, considéré le meilleur climat d’Europe, que les gens et surtout ceux moins gâtés par le climat de leurs propres pays, se pressent à s'y installer. Et tant pis si le prix de l’immobilier grimpe ! 💪
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Et pour finir, à Frigiliana, comme presque partout en Andalousie, il y a même les ruines d'un château fort (Castillo de Lizar, où se sont réfugiés les derniers rebelles de l'Alpujarra et de la région de Velez.
Une fois que les troupes arabes se sont rendues, Luis de Requesens, commandant en chef de Castille, a ordonné de détruire la forteresse) et un Palais Renaissance du 16éme siècle, qui appartenait aux comtes de Frigiliana, dont le chef de famille êtait M. Manrique de Lara a été construit, avec des pierres de taille de l'ancienne forteresse. Il est connu comme "La raffinerie" puisqu'il accueille actuellement la seule usine de miel de sucre de canne qui existe en Europe.
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Et voilà une photo pour les gentils gens qui m'ont demandé de les photographier. Semblable à celle que j'ai fait en 2007 à Purullena! |
A midi nous avons déjeuné "chez l'habitant", plus précisément chez Maria, dans les hauteurs de Torrox, un autre village blanc que nous contournons pour monter sur une route de campagne, la MA5105, vers Diseminado, Pago Benamar.
Si je comprend bien, je crois que Pago Benamar c'est le nom de la zone où des villas sont disséminées partout dans la campagne. En tout cas c'est ce que nous avons vu, dans un paysage sublime, comme on les aime, avec la Méditerranée aux pieds de la montagne et une vue plongeante sur Frigiliana…
Par contre, pour le repas je m'excuse, mais je pense que même à la campagne, on peut mieux faire… Bref, je ne suis pas aussi enthousiasmée que d'autres, mais le paysage, whaou...😍
Et après ça, Malaga, avec un tour en bus et puis une petite promenade dans le centre. Trop courte pour pouvoir visiter quoi que ce soit! De toute façon, pour un voyage de seulement 9 jours (plus 2 en avions) on ne pouvait prétendre à tout voir. Assez quand même pour confirmer mon impression sur Espagne et l'Andalousie: MAGNIFIQUES!
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